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  Ils disent que demain la Terre aura disparu. Que c'est fini. Et je n'ai personne avec qui partager ces derniers moments.
  Je sais que tu ne vas pas le croire, mais je n'ai pas eu le choix. Pas vraiment. J'étais le seul sur cette planète qui n'aie pas essayé de prendre le pouvoir. Mais j'étais aussi le seul qui n'aie pas eu le choix. En fait, j'avais oublié ce que c'était que d'être libre. J'avais oublié que l'échec est une des conditions de la liberté. Et au lieu de reconnaître la première fois que je n'avais pas réussi à t'arrêter, ce qui était une preuve de ma liberté, je me suis laissé aller au désespoir.
  Puis, j'ai rencontré quelqu'un. II disait s'appeler Daredevil. Je ne crois pas que c'était Matt Murdock. Matt est mort depuis si longtemps. Non, ce Daredevil là m'a supplié de le laisser m'aider à t'arrêter. II voulait mourir et il n'y arrivait pas. Pour lui, la vie était une prison. Et la mort sa seule échappatoire. II pensait qu'en m'aidant, il mourrait certainement. Finalement, je me suis trompé sur lui. Daredevil se battait pour la liberté. C'est là que j'ai réalisé que ma définition de la liberté était trop étriquée. J'avais besoin de changer. J'avais besoin de subir un échec. ça ne m'était jamais arrivé avant.
  J'avais aussi besoin de me débarrasser de mes immuables principes. J'avais besoin de briser cette image que les autres m'avaient forgée. D'ébranler les convictions de ceux qui me voyaient toujours comme le héros de la Deuxième Guerre mondiale. De ceux qui pensaient que je devais me battre contre le gouvernement actuel.
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  J'ai envie de te dire mon nom. C'est Steve. Steve Rogers. II faut au moins que l'un de nous deux sache le nom de l'autre. Je ne crois aux soldats inconnus. Et je ne crois pas qu'on devrait se souvenir de toi sous le seul nom de Crâne Rouge. Ceux qui connaissent mon histoire seraient horrifiés s'ils m'entendaient t'appeler James. Mais j'ai aussi besoin d'ébranler ces convictions-là.
  C'est pourquoi je t'enterre. C'est pourquoi je te rends hommage. Je suis presque centenaire aujourd'hui. J'ai vu plus de choses que je ne l'aurais jamais espéré. De bonnes choses. Et beaucoup de mauvaises aussi. Je suppose que je devrais être reconnaissant d'avoir sauvé plus de vies que je n'en ai sacrifié. Mais c'est plus difficile de se souvenir de ceux qu'on a sauvés, même s'ils sont plus nombreux. En revanche, je me souviens de chaque mort. De chaque personne que j'ai tuée.
  Avant de devenir Captain America, je n'avais pas de pouvoirs, pas d'aptitudes particulières. J'étais un rien du tout, même pas capable de fuir devant l'ennemi.
  Puis, on m'a proposé de prendre part à un projet gouvernemental top secret. On m'a injecté un produit expérimental, le sérum du super-soldat. Et on m'a bombardé de vita-rayons. Pour accélerer l'effet du sérum.
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  Peu de temps après, mon corps frêle et fragile s'est transformé. Là où il n'y avait avant que la peau et les os, sont apparus des muscles et du cartilage. Tout d 'un coup, je me suis retrouvé avec un corps d'athlète.
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  Jamais je ne m'étais senti aussi puissant. Je ne me rendais pas compte de la force que j'avais. C'est alors qu'un des témoins de l'expérience, un espion étranger, a tiré sur le médecin qui avait dirigé l'opération. J'ai à peine eu le temps d'empoigner le meurtrier que le médecin en question était mort.
  L'espion aussi est mort. Je l'ai tué. C'était la première fois que je tuais quelqu'un. Je ne savais même pas que j'étais capable de faire une chose pareille. Je voulais être un soldat pour mettre fin aux tueries. Et voilà, je venais à peine de renaître dans un nouveau corps, et j'avais déjà rejoint les rangs de ceux que j'avais l'intention de combattre.
  Je me demande ce que toi, tu as dû penser quand tu t'es rendu compte que tu pouvais contrôler les gens. Je me demande comment tu vivais avant qu'on te donne ce pouvoir. Je me demande où tu as appris à haïr.
  Le docteur Erskine, l'homme qui a donné naissance à Captain America ce jour-là, est mort lui aussi. Et la formule du sérum a disparu avec lui. J'étais donc le seul super-soldat à combattre pour mon pays pendant la Deuxième Guerre mondiale. L'arme la plus révolutionnaire qu'on n'ait jamais pointer contre un ennemi. Et les armes tuent.
  Ne te méprends pas. C'était la guerre. Hitler massacrait les gens par milliers. II fallait l'arrêter. Et quand tu te retrouves sur le champ de bataille, que les balles fusent de tous les côtés, que tu vois tes copains se faire exploser, ce n'est pas facile de se dire qu'on va s'asseoir autour d'une table pour parler et essayer de résoudre les problèmes. C'était de la folie. Une folie contagieuse.
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  Quelquefois, oui, quelquefois j'ai tué sans le vouloir. James, par exemple. Je n'avais pas le droit de le laisser m'accompagner pendant mes missions. Mais à l'époque, je ne voulais surtout pas qu'on connaisse ma double identité. Et James a menacé de tout révéler à mes supérieurs - supérieurs qui étaient sans doute déjà au courant. J'ai toujours été étonné de voir que beaucoup savaient que j'étais Captain America.
  Alors j'ai laissé James, un autre James, venir avec moi. Je l'ai laissé porter un masque. Je l'ai laissé répondre par des pirouettes aux forces de l'Axe lorsqu'il se retrouvait à court de grenades. Je l'ai laissé s'en donner à coeur joie. Et au fil du temps, je me suis rendu compte que ce n'était pas une très bonne idée. James s'est fait tuer pendant la même mission qui m'a mis sur la touche. Ce serait facile de rendre les forces de l'Axe responsables de sa mort... mais c'est moi qui l'ai jeté dans la bataille. C'est moi qui l'ai mis dans la situation qui allait entraîner sa mort. C'est comme si j'avais appuyé sur la gâchette.
  II n'avait pas sa place à mes côtés. Comme tu n'as pas ta place ici. Il avait à peu près ton âge quand il est mort.
  Un jour, je me suis retrouvé face à un barrage de soldats nazis. Quand ils m'ont vu, ils ont ouvert le feu. Leurs balles ont rebondi sur mon bouclier.
  Sur le coup, aucun d'eux n'a bronché. Un gamin a toussé et s'est mis à sourire. Je ne comprenais pas pourquoi il souriait. II avait des cheveux noirs, des yeux marrons et des boutons sur la figure. Pas vraiment la tête du parfait soldat nazi. Et pourtant, il était là, avec eux, et il se battait pour que son pays domine le reste du monde. Un pays qui un jour aurait pu se débarrasser de lui parce qu'il le jugeait indigne de l'idéal Aryen.
 II m'a regardé dans les yeux et il a vu mes sourcils blonds et mes yeux bleus. II a de nouveau souri. II avait du sang sur les lèvres. L'idéal pour lequel il s'était battu avait eu raison de lui.
  J'ai compris alors que les soldats n'avaient pas vraiment la possibilité de se battre. On était libre de tuer l'ennemi. On était libre de mourir - mais pas de se battre. Le combat n'est pas seulement un corps à corps. Cette bataille, James, n'avait rien de physique. C'était un conflit idéologique. Comme toutes les guerres. Pour se battre, il faut de la force mais aussi une intelligence d'esprit et une âme. Mais on ne demande pas aux soldats de penser, juste d'obéir aux ordres. Et ils meurent tandis que d'autres, souvent plus méprisables, pensent à leur place.
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  C'est toute l'horreur de la guerre. C'est mon horreur.
  S'il y avait eu un moyen de t'arrêter sans te tuer, je l'aurais fait. Mais quand j'étais jeune et que je n'avais pas encore mes pouvoirs, je croyais que le devoir d'un soldat était de se battre. J'avais tort. C'est sans doute ce que certains gouvernements ou dirigeants essayaient de nous faire croire. Mais le devoir d'un soldat, c'est de mettre fin à la guerre. Et aucun soldat digne de ce nom ne doit avoir de repos tant que la guerre n'est pas finie.
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  Parlons un peu de Crâne Rouge.. Tu as pris son nom. II faut que tu saches qui était ton prédécesseur.
  Au départ, on a dit que les nazis tuaient les Juifs parce qu'ils les haïssaient. Et plus tard, qu'ils haïssaient les Juifs parce qu'ils les tuaient. De la même façon, Crâne Rouge expliquait qu'il haïssait la vie. La guerre nous incite à la haine. Nous haïssons tout et tout le monde, y compris nous-mêmes. Mais comme on ne peut pas vivre très longtemps en se haïssant soi-même, on commence à haïr les autres pour ce qu'ils nous laissent leur faire.
  Crâne rouge s'appelait en vérité Johann Schmidt. John Smith. Lui et moi, on aurait pu être frères. On venait tous les deux d'un milieu pauvre. On se sentait tous les deux rejetés parce qu'on était fragiles et faibles. Et on a tous les deux été choisis pour être des surhommes.
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  Mais avec la pauvreté, Johann avait aussi connu la haine. Pas moi. Ma famille m'aimait. Et même si on n'avait pas beaucoup d'argent, on était heureux. C'est peut-être la seule différence qui existe entre Crâne Rouge et moi. Ou entre toi et moi. L'endroit où j'étais né, la famille dans laquelle j'étais né, détermineraient ce que j'allais devenir. Et c'était pareil pour Crâne Rouge. Tu comprends ? II n'y a pas de liberté là-dedans. Si tu nais dans la haine, tu vivras dans la haine. Si tu nais dans la douleur, ta vie ne sera que douleur.
  Si le médecin qui l'a mis au monde n'avait pas été là, Johann n'aurait pas survécu longtemps. Son propre père, Hermann Schmidt, qui était alcoolique, l'aurait tout de suite supprimé car, pour lui, Johann avait tué sa mère en voyant le jour. Hermann s'est suicidé le lendemain de la naissance de son fils. Le médecin a alors placé l'enfant dans un orphelinat où il est resté jusqu'à l'âge de sept ans. Sept ans, l'âge de raison selon certains. Pour Johann, c'était l'âge fou. II s'est mis à traîner dans les rues. Ce qu'il n'avait pas en mendiant, il le volait. Et les nuits qu'il ne passait pas sous le ciel glacé d'Allemagne, il les passait en prison pour de menus larcins. 
  Jeune homme, Johann a travaillé chez un commerçant, un homme d'affaires juif dont la fille étais sans doute la seule personne qui lui ait jamais montré de l'affection. Pourtant, quand elle a repoussé ses avances, tout ce qu'il a trouvé à faire pour la remercier de sa gentillesse, c'est de la tuer.
  C'était la première fois qu'il assassinait quelqu'un. Et la première fois qu'il se sentait heureux. Ce n'est pas facile de restes impartial, surtout quand on parle de celui qui deviendrait plus tard Crâne Rouge. Cet acte insensé était, bien sur, terriblement cruel, mais provoqué par la douleur d'avoir été rejeté. Une douleur que Johann s'est juré de ne plus jamais éprouver. Une douleur qui donnait toute la mesure de son humanité.
  II travaillait comme groom dans une Allemagne où la guerre menaçait d'éclater à tout moment, quand on lui a fait "l'honneur" de servir les rafraîchissements auprès de certains membres de la haute société du III° Reich, dont Adolf Hitler. Hitler s'est reconnu dans le jeune homme qu'il a aussitôt pris sous son aile. Il lui a donné un masque, un masque couleur de sang. Crâne Rouge était né.
  Crâne Rouge a dirigé pas mal d'opérations clandestines pour le compte d'Hitler, opérations qui  exigeaient d'être sans pitié et de prendre un certain plaisir à tuer. II s'appuyait sur tout un réseau de bases secrètes que le III° Reich avait tissé à travers le monde entier. Ses actes de sabotage coûtaient très cher aux Etats-Unis qui ont finalement décidé de créer un soldat capable de mettre fin aux exactions de Crâne Rouge... Moi. Captain America.
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  Un jour, on a transplanté le cerveau de Crâne rouge dans le corps de mon clone. II fallait le faire ! On était devenus, pour ainsi dire, deux frères ennemis. Et quand le sérum du super-soldat a commencé à ronger mon organisme comme un cancer, c'est lui qui m'a sauvé la vie grâce à une transfusion sanguine.
  Pourquoi l'a-t-il fait ? Pourquoi a-t-il évité la mort à l'homme qu'il haissait le plus au monde ?
  A mon avis. il pensait avoir enfin trouvé un moyen d'avoir le dessus. Dès lors, il y aurait un peu de Crâne Rouge en Captain America. Et quand je l'ai tué il a dû se dire que cette haine qui le dévorait depuis si longtemps survivrait en moi. Qu'elle ferait désormais partie intégrante de mon être.
  Crâne Rouge est mort en croyant avoir fait de moi ce que j'étais déjà. J'ai tué un homme presque à l'instant même où je suis devenu Captain America. Simplement parce que j'en avais le pouvoir. Je t'ai tué parce que j'étais trop faible pour te sauver. Et s'il y avait eu un moyen de t'arrêter, de te contrôler comme tu contrôlais tes alliés, ça n'aurait rien changé. Je n'aurais pas pu te ramener à la raison. Je ne suis pas assez fort pour ça.
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  J'ai cru pendant un temps que mon héroïsme déteindrait sur les gens et qu'ils essaieraient de faire comme moi. Je me suis trompé. Je me battais pour qu'ils retrouvent leur liberté. Mais au lieu de ça, ils dépendaient de plus en plus de moi. Ils comptaient sur moi pour leur rappeler les valeurs de l'Amérique.
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  C'était comme si j'étais devenu le garant de leur identité nationale.
Et puis, tu as pris le pouvoir. Mais ce n'était pas mieux. Je suis un vieil homme aujourd'hui. Tu n'étais qu'un enfant, James. Mais aucun de nous n'a le droit de contrôler les gens, même si ce sont eux qui le veulent.
  L'Amérique est le pays où tout peut arriver.
  C'est ça qui est important. Ici, on a la possibilité de s'améliorer, de s'élever au-dessus de sa condition, quelle qu'elle soit.
  C'est seulement en t'arrêtant que je pouvais espérer devenir plus qu'un soldat qui obéit aux ordres. Mais la seule façon de t'arrêter, c'était d'être ce pour quoi je m'étais entraîné toute ma vie. Parfois, je me dis que les gens ont envie d'être contrôlés. Qu'ils croient être libres parce qu'ils n'ont pas à prendre de décision. Ils n'ont pas à se mettre dans une position où ils seraient susceptibles de commettre des erreurs.
  Mais on vivrait dans un drôle de monde si on décidait pour nous de tout ce qu'on doit faire.
  Dieu merci, on est encore libre de commettre des erreurs. Sans échec, il n'y a pas de liberté. Sans liberté, il n'y a pas de réussite. Et pour cette raison, je suis désolé de ne pas avoir été à la hauteur. Désolé, et soulagé.
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Même si la Terre survit à ce jour, d'autres fous te succéderont. Des hommes qui pensent que ce monde serait meilleur s'ils avaient le pouvoir. Qui sait alors si je serai encore là pour les arrêter ? Aujourd'hui, mon combat s'achève. 
  Si un nouveau conflit éclate, d'autres que moi lutteront pour leur liberté. 
  Et ils la gagneront. C'est dans l'ordre des choses.

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